ATTAQUE
ET RIME
Les mots à
l'oral sont émis d'une façon continue. Mais si l'on observe leur prononciation,
on peut remarquer une construction en syllabes, chaque syllabe correspondant à
peu près à une émission de voix.
Chaque syllabe n'est pas identique aux autres, mais toutes n'ont qu'une façon
générale d'être construite : un début, et une suite.
Ce début de la syllabe s'appelle l'attaque, suivie de la rime. L'attaque peut
être simplement constituée d'une consonne (le /p/ de /pal/), ou de deux (les
/pl/ de /pli/ ).
Quand une attaque est constituée de deux consonnes, on l'appelle branchante.
Parfois, l'attaque et la rime ( /p/ + /a/ => /pa/ ) sont suivies d'une coda
( le /l/ de /pal/).
Cette notion d'attaque est importante pour commencer le développement de la
conscience phonologique de l'enfant, en lui proposant une liste de mots presque
identiques, dans laquelle s'est glissé un intrus dont l'attaque est différente
(ex. : pal, pull, pomme, sol, pou), ou encore en lui demandant de supprimer
l'attaque (ex. : dire les mots pal, pull, pomme, pou en enlevant /p/ ).
COMPLEXITE
DES MOTS
S’il est une notion
difficile à cerner, c’est bien celle de "complexité des mots", car
répondre à cette notion par une définition revient à expliciter en partie les
causes d’erreurs de lecture.
Cette "complexité des mots" est à comprendre comme une complexité
intrinsèque aux mots eux-mêmes, c’est-à-dire leur structure visuelle et
phonologique.
1) au niveau visuel, on peut retenir :
a) une complexité linéaire (syntagmatique) : c’est la longueur du mot, son
nombre de "lettres".
On sait que l’empan visuel du lecteur n’est pas extensible, et que sa limite
supérieure lors d’une fixation de l’oeil peut atteindre seulement sept
"lettres". Au-delà, et souvent même en deçà, il y a des saccades,
voire des balayages, pour parcourir la totalité du mot.
b) une complexité orthographique (ou paradigmatique) : c’est le découpage en
une structure graphémique. Ainsi, les graphèmes formés de digraphes ("au,
in, en, ...") ou de polygraphes ("eau, aim, amp, ...") sont bien
évidemment plus complexes que des monographes ("o, i, f, ...").
2) au niveau phonologique, on peut noter :
a) les contraintes articulatoires : la structure syllabique habituelle est CV
(attaque consonantique + rime vocalique). Un « pseudomot » comme
"apra" est alors plus complexe que "para", car il possède
la structure V+CCV au lieu de CV+CV. Ici, à la cassure de la régularité
syllabique, s’ajoute la branchante "pr" (CC) qui exige un effort
articulatoire plus important.
b) les fréquences des groupes phonémiques : à la lecture d’un mot, le lecteur
s’attend à une régularité (loi d’économie de l’effort) et, après une consonne,
envisage dans son répertoire phonologique une suite habituelle. Par exemple,
après /p/, il y aura plus probablement /R/ que /s/, car la
branchante /pR/ est (sept à huit fois) plus fréquente.
Un mot sera donc également plus complexe si ses constituants phonémiques sont
agencés de façon moins prédictible. La fusion sera par là-même plus difficile.
En définitive, la complexité des mots est proportionnelle à l’écart entre,
d’une part, les mots de bonne famille, petits, réguliers, simples, et fidèles
aux principes basiques (structurels) de leur langue mère, et, d’autre part, les
mots infidèles, longs, irréguliers, compliqués, qui s’éloignent de la matrice
du mot basique.
Si l’enseignant veut fonder une progression sur le code alphabétique, il aura
tout intérêt à utiliser une "complexité des mots" croissante :
"toto" aura plus de réussite que "totaux" car visuellement
il est plus petit (nombre de "lettres" inférieur), et plus simple (le
graphème "o" est plus immédiatement accessible que le graphème
"aux").
De même, "purée" sera plus digeste que "après", car
phonologiquement plus régulier (CV+CV au lieu de V+CCV), et plus facile à dire
(absence de branchante).
Néanmoins, il n’est pas incohérent non plus d’exposer de temps à autre l’élève
à des mots plus complexes, en mettant en œuvre une démarche de tâtonnement,
afin qu’il perçoive l’étendue de la réalité de la langue.
Finalement, pour l’apprentissage de la lecture, la progression dans la
complexité des mots doit être ... progressive !
LA
CONSCIENCE PHONOLOGIQUE
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CONTEXTE
PHONOLOGIQUE
La notion de contexte
phonologique ne peut se définir sans celle d'environnement phonétique, plus
facile d'ailleurs à illustrer, car plus concrète.
En effet, l'environnement phonétique est un constat immédiat, à un moment donné
(synchronie), des sons placés avant et/ou après un autre. C'est un fait de
parole, et sa notation utilise le double crochet [ ].
C'est par le jeu de l'environnement phonétique que les poètes offrent des
sonorités particulières (assonances, allitération, etc.). L'environnement
phonétique n'a donc pas valeur de règle de fonctionnement.
En revanche, le contexte phonologique possède un rôle fonctionnel, et peut
expliquer les modifications et influences réciproques des phonèmes. La notation
fait appel à la double barre oblique / /.
Pour mieux comprendre cette influence d'un phonème sur un autre, en fonction de
son contexte, on peut penser au cas où, en finale de syllabe ouverte (=
terminée par une voyelle), une voyelle se ferme (le mot "rocher" est
lu /Ro/ /Se/, alors qu'en finale de syllabe fermée (= terminée par une consonne
prononcée), une voyelle s'ouvre (le mot "roche" est lu /R]•/).
On voit bien là qu’une même voyelle est transformée par son contexte
phonologique (“o” fermé de “rocher” devient “o” ouvert dans “roche”).
Le contexte phonologique est donc abstrait, et peut se formuler par des
matrices qui prédisent, sous forme de règles, le comportement des phonèmes.
Bien que complexe, le contexte phonologique, avec la formalisation qui en
découle, a son utilité.
Il explique en grande partie les variations diachroniques (= à travers les
époques) de la langue, variations étudiées par les grammairiens comparatistes.
Plus abstrait, il a permis de remonter jusqu’à l’existence (supposée) d’une
langue primitive (par exemple l’indo-européen, ou encore le proto-bantou).
Mais il permet aussi, au niveau pédagogique cette fois, de comprendre certaines
erreurs de lecture.
Une partie de mes travaux a montré que le contexte phonologique C1 + V + C2
(c’est-à-dire une syllabe fermée) provoque dans environ 75% des cas (quand il y
a erreur de lecture) le nouveau contexte phonologique C1 + C2 + V (c’est-à-dire
une syllabe ouverte), ce qui se comprend mieux lorsqu’on rapproche ce résultat
de la fréquence des syllabes ouvertes en français (80%), bien supérieure à
celle des syllabes fermées.
Cela met en évidence deux faits :
- le premier est que le contexte phonologique entraîne des contraintes
phonologiques ;
- le second est que l’enfant subvocalise (= oralisation silencieuse) avant
de lire de façon effective le mot qui lui est présenté. Nul étonnement donc
à ce qu’il lise /pla/ la suite “pal”, alors qu’il connaît très bien
individuellement “p”, “a”, et “l”.
Bien entendu, le contexte phonologique n’explique pas toutes les erreurs de
lecture, mais son importance n’est pas à négliger pour mieux comprendre les
mécanismes d’apprentissage de la lecture.
DECHIFFRAGE
Habituellement le
déchiffrage est perçu comme l'attitude quelque peu hésitante d'un lecteur
confronté à un texte écrit, et pour lequel la lecture s'effectue péniblement
lettre après lettre.
Cette connotation négative a joué pour beaucoup dans le rejet du déchiffrage de
certaines méthodes de lecture.
En fait, le déchiffrage correspond, pour l'écrit, à ce qu'est le décodage pour
l'oral.
À l'inverse du décodage qui va découper la chaîne orale en unités plus petites,
le déchiffrage va des unités les plus petites (les lettres) vers les unités de
plus en plus complexes (la syllabe, le morphème, le mot, la phrase) jusqu'à ce
que le sens soit peu à peu découvert.
Pour en savoir plus...
Le déchiffrage posséderait trois étapes successives d'ordre visuel :
a) une recherche linéaire d'adressage (une lettre, un phonème) régie par un principe
de fluidité (l'oeil va sur un élément, puis sur le suivant, etc.) ; on a des
lectures du type "je me an ge" pour "je mange". Il s'agit
d'un déchiffrage systématique ;
b) une recherche d'association, régie par un principe de proximité dès que deux
(ou plusieurs) lettres contiguës sont identifiées comme une seule identité (par
exemple “ai”, “on”, “ez”, etc.).On a aussi “es” lu “é” , et que l'on retrouve
dans un mot pluriel comme "ailes" lu "ai-lé", ou encore
"moines" lu "moi-né", à cause de la haute fréquence de
“les, mes, tes, ses” qui vont créer une association durable entre le digramme
“es” et le phonème “é” . Il s’agit d'un déchiffrage systémique portant sur le
noyau syllabique.
c) une recherche de forme connue, régie par le principe d'amorçage. Exemple :
"point"lu "pain", "signe"lu "singe",
"deux"lu "dans". Dans cette étape, l"attaque sert
d"amorce, et la suite visuelle, confuse pour le déchiffreur, est impliquée
par son bagage lexical visuel. Il s'agit d'un déchiffrage systémique
conditionné.
Il est important pour l'enseignant de considérer cette notion de déchiffrage
sans a priori négatif, sans rejet immédiat, ce qui lui permettra de mieux
percevoir à quelle étape se situe l'erreur de lecture qu'il aura observée. La
remédiation sera plus efficace.
Les causes des erreurs, quant à elles, ne seront pas forcément limitées à
l'aspect visuel, mais intégreront l'influence de l'oral.
DECODAGE
Une chaîne orale
ininterrompue dite dans une langue étrangère inconnue de l'interlocuteur n'aura
aucune signification pour ce dernier. Ce sera une suite de sons sans sens. Il
suffit pour s'en convaincre d'écouter une chanson dans une langue qu'on ne
connaît pas.
La chaîne orale du discours (c'est-à-dire les paroles) est une expression orale
selon un certain code. Ce code diffère selon les langues, mais l'interlocuteur
doit toujours, pour comprendre ce message oral, le décoder en le décomposant en
éléments plus petits et identifiables : les mots, porteurs de sens.
Si cette chaîne orale est dite dans sa langue, ou dans une langue qu'il
comprend, l'interlocuteur pourra la décoder par un découpage. Ce découpage
utilisera aussi bien la reconnaissance de mots, que le rythme de la phrase,
essentiellement grâce à la syllabe qui se prête naturellement au découpage (il
est plus facile par exemple d'isoler des syllabes que des phonèmes lorsqu'on
entend des sons, et des enfants arrivent facilement à scander un texte en
tapant le rythme sur chaque syllabe).
Le décodage est donc une notion qu'il faut réserver à l'oral. Pour l'écrit, on
parlera de déchiffrage qui, lui, à l'inverse, ira des éléments les plus petits
(les lettres) vers les éléments les plus complexes (syllabes, mots, phrases).
Cette notion aura une importance cruciale dans les épreuves de dictée,
c'est-à-dire lors du passage de l'oral vers l'écrit, puisque l'enfant doit
décoder la chaîne orale énoncée par l'enseignant pour en comprendre le sens. Il
serait utile de développer cette faculté à décoder l'oral, en entraînant les
enfants à comprendre des messages vrais mélangés à des messages
incompréhensibles, en intégrant par exemple des morceaux de phrases en langue
étrangère, à l'intérieur de phrases en français. Le mélange de plusieurs
extraits de langues, certaines connues et d'autres non, obligerait l'enfant à
un effort accru de différenciation, à une écoute plus attentive, des paroles
qu'il devra comprendre.
DISCRIMINATION
VISUELLE
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La discrimination
visuelle fait partie de ces notions qui ne peuvent être définies que par
rapport à celles qui leur sont attachées. Dans une perspective
linguistique, cette notion s’accorde avec celles d’acuité visuelle et de
perception visuelle. Souvent employées l’une
pour l’autre, ces trois notions méritent d’être articulées entre elles, et je
proposerai pour cela l’approche synthétique suivante, avec son corrélat
acoustique.
L’enseignant trouvera
dans la prise en compte de ces trois notions le moyen de repérer l’origine
des difficultés d’un élève sur le plan visuel, respectivement : 1) a-t-il une bonne vue
? Doit-il consulter un ophtalmologue ? 2) sa mobilité oculaire
et son empan visuel sont-ils suffisants ? Doit-il consulter un orthoptiste ? 3) fait-il vraiment la
différence entre la forme des grammes (les "lettres") qu’il voit
sur la feuille, pour les agencer dans le bon ordre ? Doit-il avoir un
enseignement adapté ? De ces trois notions,
seule la troisième relève de la didactique de l’enseignement, et le
professionnel concerné est l’enseignant dans sa classe. La discrimination
visuelle est en effet la seule des trois à se placer sur le plan
linguistique. C’est d’ailleurs elle qui contribuera, pour l’anecdote, à
dépister dans le tableau de Monoyer le nom même de son concepteur, dissimulé
dans un acrostiche inversé ! Plus utilement, c’est
elle aussi qui permet d’atteindre le déchiffrage, étape essentielle pour
aller de la lecture primaire (=de bas niveau) vers la lecture secondaire (=de
haut niveau). Associé à la
discrimination auditive, elle fait entrer l’élève dans le monde du décodage
et de la combinatoire. |
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FREQUENCE DES MOTS
Nous utilisons des mots
pour parler, et certains de ces mots sont plus souvent utilisés que d’autres.
Dans ce cas, ils apparaissent avec une fréquence plus élevée, qu’on exprime
habituellement en pourcentage. Par exemple, sur cent mots écrits, le mot outil
“de” apparaît presque quatre fois.
Une fréquence élevée indique une probabilité élevée de rencontrer un mot (à
l’oral ou bien à l’écrit).
Les fréquences sont utiles car elles permettent de trier dans l’ensemble des
mots ceux qui sont les plus nécessaires, tant à l’oral pour l’apprentissage du
vocabulaire, qu’à l’écrit pour l’apprentissage de la lecture.
Inversement, les mots rares, c’est-à-dire les moins fréquents, ne présentent
qu’un intérêt limité et occasionnel (le mot “lanterne” est sûrement moins utile
que le mot “temps”, par exemple).
Un mot qui n’apparaît qu’une fois dans un texte s’appelle un hapax.
Pour en savoir plus : il existe une loi mathématique (appelée loi de
Zipf) qui montre que la fréquence des mots d’un texte est inversement
proportionnelle à leur rang. Cela signifie que, si l’on fait un classement des
mots d’un texte en utilisant leurs fréquences, on obtient la formule suivante :
rang d’un mot multiplié par sa fréquence = constante. Pour simplifier, le
centième mot sera cent fois plus rare que le premier. En fait, cette loi n’est valable
que si l’on ne tient pas compte des extrêmes (les mots les plus fréquents et
les mots les plus rares).
FUSION
La compétence
principalement développée à travers les méthodes de lecture synthétiques est la
combinatoire. Cette combinatoire implique dans le temps une séquence linéaire,
de gauche à droite, qui va d’un premier phonème vers le phonème suivant. Le cas
le plus basique est celui d’une consonne suivie d’une voyelle, par exemple /m/
+ /a/. La combinatoire entraînera la production de /ma/, résultat qu’on appelle
habituellement fusion, dans la mesure où ces deux phonèmes ont fusionné
en un seul.
Une seule émission de voix suffit ainsi, par fusion, à combiner deux phonèmes
en une syllabe. C’est la fusion syllabique.
Mais la fusion peut également être phonémique. C’est le cas des branchantes, où
deux consonnes consécutives sont lues d’une seule émission de voix. /p/ et /l/
fusionnent en /pl/ (« plume »). Il s’agit d’une fusion dite légale,
contrairement à une suite comme /pk/ qui ne sera ni prononçable ni élément du
système phonologique du français.
La fusion est une étape obligatoire dans l’apprentissage de la lecture, mais
aussi pour les lecteurs experts lorsqu’ils rencontrent des mots dont
l’orthographe est déroutante et complexe (par exemple les noms de certains
produits pharmaceutiques).
Il faut noter que la fusion porte à la fois sur le visuel (les « lettres ») et
sur l’auditif (les « sons »).
Cependant, pour préparer à la fusion, il est recommandé d’abord d’entraîner
l’enfant à la conscience phonologique (syllabique et phonémique) par des
exercices de combinatoire à l’oral. Lorsque cette compétence devient efficace,
le passage à la lecture en est facilité.
GRAPHEME
Le graphème est l’écriture
représentative d’un phonème, autrement dit la façon d’écrire un son.
Comme le phonème, en linguistique, le graphème fait partie de la « deuxième
articulation » ; la première étant le sens.
Le parallélisme entre phonème et graphème ne s’arrête pas là.
De même qu’un phonème est décomposable en traits distinctifs minimaux ( /b/
possède les traits ‘bilabial, occlusif et voisé), le graphème simple est
constitué d’éléments fondamentaux (« b » possède une hampe, ou trait vertical,
et une panse, ou partie arrondie et une orientation) que l’on retrouvera dans d’autres
graphèmes. C’est l’assemblage de ses éléments constitutifs qui lui donnera un
corps.
Tous ces éléments fondamentaux, auxquels il faut ajouter les signes
diacritiques (accents, cédille, tréma) permettent d’écrire les 39 graphes du
français, pour transcrire les 32 phonèmes (13 voyelles et 19 consonnes).
Le graphème peut être simple (o, i, u, …) ou composé (ai, eau, …). Son écriture
peut varier, sans qu’il change de valeur pour autant : « m » peut s’écrire en
minuscule, en majuscule, en script, en cursive, en différentes polices de
caractère. Ce sont alors autant d’allographes du même graphème.
Le graphème relève de l’écriture (on parlera de « calligraphie » pour une belle
écriture), mais il vaut mieux parler de « gramme » pour la lecture.
Le graphème est donc la plus petite unité du système d’écriture, et ce qu’on
appelle communément la « lettre » (le graphe) est un de ses éléments
constitutifs.
Le linguiste V.G. Gak a classé les graphèmes en trois catégories :
1) les graphèmes simples (« x » pour deux phonèmes /ks/)
et complexes (« ch » pour un seul phonème /S/) ;
2) les graphèmes synonymes (« ai », « ei ») et homographes (« ill » pour /j/,
/ij/, /il/) ;
3) les graphèmes incomplets (« M. » pour Monsieur, « O.N.L. » pour Observatoire
National de la Lecture) et pleins pour une valeur nulle (« ct » dans « suspect
»).
Ces trois catégories seront utiles pour la lecture de bas niveaux, en
permettant à l’enseignant d’établir des progressions ordonnées.
Nina
Catach quant à elle avaient proposé un classement en 3 types de graphèmes :
1) les phonogrammes, qui sont fidèles au principe d’un
symbole visuel pour un son. Ils représentent plus de 80% du système. Parmi eux,
seuls « j » et « v » possèdent une seule valeur de base possible. Les autres
peuvent avoir une valeur de position (« c » devient /s / devant «i » et « e »,
mais /k/ devant « « a », « o », « u » ; « b » vaut /b/ dans « hebdomadaire »
mais /p/ dans « observatoire » ; « ent » vaut /ã/ dans « moment », mais ne se
prononce pas dans « jouent »).
2) les morphogrammes, qui marquent une spécification grammaticale (les marques
de genre et nombre) ;
3) les logogrammes, graphies complexes qui permettent d’éviter les ambiguïtés
(« eau » et « haut » ; « rend » et « rang ») et de distinguer les homophones.
Ces trois catégories seront utiles pour la lecture de haut niveau.
On le
voit, la notion de graphème est loin d’être simple, et sa richesse notionnelle
est bien supérieure à celle du mot « lettre », que l’enseignant réservera à un
usage quotidien en classe.
HAPAX
ET VOCABULAIRE
Hapax
Mot qui apparaît une seule fois dans la totalité d’un texte.
Plus il y a d’hapax, plus le vocabulaire est riche.
Les textes pour enfants ont peu d’hapax, contrairement à des textes comme ceux
du poète Saint John Perse, car ils utilisent la redondance (la répétition) pour
faciliter la compréhension.
À l’opposé de l’hapax on trouve les mots outils, les plus fréquents de la
langue (“de”, “et”, “la”, “le”, “à”, “il”,...).
LISIBILITE
(notion qui s’exprime
conventionnellement en degrés). Un texte écrit possède des particularités de
surface : des phrases longues, moyennes, ou brèves, des mots longs, moyens, ou
courts. Ces particularités d’ordre visuel déterminent la complexité du texte.
Des phrases très longues dotées de mots longs (comme chez Proust) offrent un
degré de lisibilité plus faible que des phrases brèves dotées de mots courts
(comme les bandes dessinées, ou les histoires pour enfants).
Cette notion de lisibilité est associée directement à la mémoire de travail,
qui possède ses propres contraintes. Par exemple, on considère en moyenne
qu’une personne retiendra un maximum de sept mots en mémoire immédiate : une
phrase écrite de quatorze mots risquera de n’être retenue qu’à moitié, ce qui
la rendra peu lisible.
Inversement, une phrase de quatre ou cinq mots sera lisible à cent pour cent (à
condition que les mots eux-mêmes soient d’une longueur moyenne ou petite).
Il ne faut pas confondre la lisibilité et l’intelligibilité. La lisibilité
concerne la forme (ce qui est vu) alors que l’intelligibilité relève du fond
(le contenu, le sens).
Sur le plan pédagogique, l’enseignant a tout intérêt à vérifier si les textes
proposés aux élèves sont lisibles. Il existe pour cela des méthodes de calcul
qui prennent en compte le nombre de mots par phrase et le nombre de lettres par
mot (voir par exemple les formules de Flesh). Mais à n’en pas douter le bon
sens de l’enseignant permettra plus rapidement, à vue d’œil, d’apprécier la
lisibilité d’un texte.
PHONEME
Son qui possède une valeur
distinctive. Le changement d’un phonème par un autre entraîne un nouveau mot
(avec changement de “p”, “pou” devient “bou”, “cou”, “fou”) ou un non-mot
(“wou”).
Toutefois, un phonème peut accepter une certaine tolérance de prononciation, à
condition que ses différentes prononciations n’amènent pas à un autre phonème.
Ainsi, le “r” roulé (comme en italien) et le “R” grasseyé (typiquement
français) sont deux prononciations du même phonème. Un même mot pourra être dit
de ces deux façons sans que sa signification change. Dans ce cas, on parle
d’archiphonème, qui englobe les prononciations différentes d’un même phonème.
L’enseignant doit veiller à discerner l’erreur portant sur un phonème de celle
portant sur un son. Les prononciations différentes d’un même son ne sont que
des variations, souvent révélatrices de l’origine géographique ou culturelle du
locuteur. Un problème relevant d’un son concerne alors l’articulation
(l’appareil phonatoire) et disparaît souvent avec le temps (comme le zézaiement),
tandis qu’un problème relevant d’un phonème concerne la phonologie (et cela
nécessite beaucoup plus de remédiations).
SACCADE ET EMPAN VISUEL
Empan visuel
Si l’on ouvre la main, doigts écartés, la distance maximale en ligne droite
entre le bout du pouce et le bout de l’auriculaire s’appelle “empan”.
En lecture, l’empan visuel est la distance maximale que le regard peu capter
lorsqu’il se fixe sur un mot.
L’empan visuel atteint (pour la moyenne des individus) un ensemble de sept
lettres contiguës.
Un mot comme “un” est lu avec une seule fixation, car il nécessite un empan
visuel faible (deux lettres).
Un mot comme “indéniablement” entraîne plusieurs fixations puisque son nombre
de lettres dépasse l’empan visuel maximal (dans le meilleur des cas, ce mot
nécessite deux fixations ; dans la pratique, trois ou davantage ! ).
Pour en savoir plus : l’empan visuel correspond à la fovéa et à sa
périphérie immédiate. La fovéa est le point central et le plus net de la
vision. Plus les lettres environnantes en sont éloignées, plus elles sont
illisibles.
VOIES DIRECTE ET INDIRECTE
Voie directe, voie
indirecte
Si un lecteur lit en passant par la combinatoire (b+a => ba), il accède
indirectement à la lecture du mot entier. Il s'agit de la voie indirecte. S'il
lit un mot minimum en entier (par exemple le mot "bidon", etc.), sans
décoder ce mot (c'est-à-dire sans passer par b+i+d+on => bidon), il s'agit
de voie directe.
Un lecteur débutant passe obligatoirement par la voie indirecte, et peu à peu, avec
la pratique de la lecture et l'accumulation en mémoire de morceaux de mots
directement reconnus, il utilise la voie directe.
Pour en savoir plus :
l'accès au sens d'un texte, ou d'un mot au minimum, est le but de la lecture.
On lit pour comprendre le sens. Mais le sens peut être atteint de deux façons :
indirectement, ou directement.
La voie indirecte est ontogénétiquement première : l'enfant passe d'abord par
un déchiffrage, puis, lorsqu'un minimum nécessaire et suffisant d'associations
Signifiant Visuel / Signifiant Sonore est atteint, il accède au Signifié. Cette
voie est indirecte car elle nécessite un intermédiaire : la combinatoire.
La voie directe, dans les langues alphabétiques comme le français, est l'accès
direct au sens, sans passer par la combinatoire. Le processus est Signifiant
Visuel > Signifié. Cette voie concerne le stade où un lecteur utilise un
bagage visuel de morphèmes pour accéder au sens. Ce niveau de performance d'un
lecteur correspond au stade orthographique : nul besoin de repasser par b+a
=> ba, l'association de plusieurs lettres étant déjà en mémoire à long
terme.
La voie indirecte va de pair avec un empan mnémonique limité à deux ou trois
lettres consécutives (l'une après l'autre). L'unité minimal du traitement est
donc la lettre (qu'on appellera gramme pour la lecture).
La voie directe va de pair avec un empan mnémonique à deux ou plusieurs
syllabes consécutives (des grappes de grammes). L'unité minimale de traitement
est le morphème